Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/256

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de faire arrêter l’effusion du sang. Il lui représenta tout ce qu’il y aurait de funeste, non-seulement pour la nation, mais pour le trône, dans une violation obstinée de toutes les lois constitutives du pays. Le maréchal répondit que ce n’était pas à lui à juger de l’inconstitutionnalité des ordonnances ; qu’il était militaire et devait, sous peine d’infamie, rester au poste où la confiance du roi l’avait placé ; que, d’ailleurs, avant de demander la révocation des ordonnances, il fallait faire mettre bas les armes aux Parisiens, et qu’il y allait de son honneur de ne pas céder. En prononçant ces paroles, il interrogeait du geste et du regard les généraux Gérard et Lobau. — « Votre honneur, reprit alors vivement M. Laffitte ! votre honneur, Monsieur le maréchal ! mais il n’y a pas deux honneurs, et de tous les crimes, le plus grand est de verser le sang de ses concitoyens ! — Pouvez-vous bien me tenir ce langage, Monsieur Laffitte, vous qui me connaissez, dit le duc de Raguse d’une voix pénétrée ? Eh que puis-je faire ? J’écrirai au roi. »

M. Laffitte ayant alors demandé à Marmont s’il avait quelque espoir dans le succès de cette dernière tentative, Marmont secoua tristement la tête « Dans ce cas, ajouta M. Laffitte, je suis décidé à me jeter corps et biens dans le mouvement. »

Un officier entra et entretint Marmont à voix basse. Tout à coup se retournant vers les négociateurs : « Répugneriez-vous, leur dit le maréchal, à voir le prince de Polignac ? » Sur leur réponse négative, il sortit, mais rentra presque aussitôt. Le prince refusait de recevoir les députés. Tel était, en