Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/266

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mée, on voyait étendus les cadavres de plusieurs soldats suisses, et en travers celui d’un de leurs officiers : monument funèbre de l’intrépidité et des vengeances du peuple ! M. de Maillardoz poursuivit sa route, regagna la rue Montmartre et la parcourut, au milieu des coups de fusil, jusqu’au marché des Innocents. Là ses soldats, se réunissant à ceux du général Quinsonnas, descendirent avec eux vers le fleuve, et allèrent prendre position au quai de l’École.

Quant aux troupes qui occupaient l’Hôtel-de-Ville, elles continuaient à se défendre contre une masse sans cesse renouvelée d’insurgés. Postées aux fenêtres de l’Hôtel-de-Ville, elles faisaient de là sur toutes les rues qui l’entourent un feu plongeant et continu. Le nombre des victimes sur ce point était considérable à onze heures du soir, c’est-à-dire au moment où, réunis pour la seconde fois chez M. Audry de Puyraveau, les députés y donnaient le spectacle de leurs incertitudes et de leur impuissance. Dans cette réunion. MM. Laffitte, Lafayette, Mauguin, Audry, de Laborde, Bavoux, Chardel, déployèrent une fermeté honorable. Mais M. Sébastiani s’y montra plus partisan que jamais de l’ordre légal. « Nous négocions, Messieurs, disait-il. Notre rôle ici est celui de médiateurs, et nous n’avons même plus la qualité de députés. — Nous conspirons comme conspire le peuple, et avec lui », répondait M. Mauguin d’une voix émue, et M. Laffitte rappelait cette menace qu’il avait faite au duc de Raguse : « Si les ordonnances ne sont pas retirées, je me jette corps et biens dans le mouvement. » La salle était au rez-de-chaussée ; le peuple enten-