Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/285

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Saint-Marceau, était à l’entrée, suivi d’une centaine d’ouvriers et prêt à commencer le feu, lorsque M. Charras, revêtu de son uniforme, arriva en courante. Il prononça quelques paroles sorties du cœur ; il n’en fallut pas davantage : l’officier abaissa son épée, et les soldats jurèrent de ne pas tirer sur leurs frères.

En ce moment, la place de l’Odéon se couvrait d’hommes armés. À l’angle de la rue qui débouche au milieu de la place, dans la boutique d’un marchand de vins, un grand nombre d’étudiants et d’ouvriers faisaient des cartouches, sous la direction et d’après les conseils de quelques anciens militaires. Le papier avait d’abord manqué ; mais, aux cris poussés par le peuple, il en tomba d’énormes monceaux de toutes les fenêtres de la place. À chaque minute on apportait des balles d’un atelier improvisé sur la place Saint-Sulpice : on y fondait de l’étain et du plomb. Tout près du péristyle du théâtre de l’Odéon, une charrette supportait deux tonneaux de poudre défoncés. Ces tonneaux venaient de la poudrière du Jardin des Plantes. Deux élèves de l’École polytechnique, MM. Liédot et Millette, y plongeaient incessamment leurs chapeaux, qu’ils retiraient pleins de poudre.

Pendant la distribution, qui se faisait avec une imprudence héroïque, M. Lothon fut nommé par acclamation général en chef de cette petite armée. Mais un inconnu, ayant réclamé le commandement, en qualité d’ancien militaire, M. Lothon lui céda gaîment l’autorité. L’inconnu ceignit une écharpe rouge ; le tambour battit un ban, et toute