Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/302

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servation de ses propriétés. Le sentiment de la fraternité avait fait place brusquement, chez les heureux, à une défiance dans laquelle entrait la crainte du retour des troupes, et, beaucoup plus encore, celle du peuple. On rencontrait partout des postes de garde nationale. Des patrouilles vigilantes parcouraient la ville en tous sens. Pour aller avec quelque liberté d’un lieu à un autre, il fallait savoir le mot d’ordre. Un grand nombre d’arrestations arbitraires furent opérées. Les bourgeois en uniforme désarmaient les ouvriers en veste, et même les bourgeois sans uniforme. Deux des combattants de la veille, MM. Dupont et Godefroi Cavaignac, furent arrêtés de la sorte, à la Croix-Rouge, et ne durent qu’à leur énergie de rester en possession de leurs fusils.

Au surplus, dès le 28, on avait vu des gardes nationaux faire sentinelle aux portes de la Banque, conjointement avec les troupes de ligne ; et pendant que le peuple se battait, M. Dequevauvilliers s’était rendu à l’état-major pour s’entendre sur le mot d’ordre avec le duc de Raguse, et demander qu’on laissât la garde nationale protéger librement les propriétés.

Les propriétés, au mois de juillet, ne coururent donc pas le moindre risque. Elles auraient été protégées par la prévoyance des bourgeois, alors même qu’elles ne l’auraient pas été par le désintéressement des prolétaires.

Il faut ajouter que ce désintéressement ne manqua pas d’excitation. Pendant les jours qui suivirent la victoire de Paris, les journaux glorifièrent à l’envi