Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans cesser d’être fidèle à ses doctrines, celles de 1789. M. Bertin de Vaux était un des hommes d’état de la bourgeoisie.

Aussi la connaissait-il à merveille. Il savait combien sa force était grande, et jusqu’où elle était capable de pousser le fanatisme de cette passion : l’amour de la propriété. Il savait par conséquent que, pour étouffer la révolution sociale prête à sortir des flancs d’une révolution politique, il n’y avait qu’une chose à faire : réorganiser promptement la garde nationale, ou, en d’autres termes, enrégimenter les propriétaires pour la défense des propriétés. Quand il entendit Lafayette parler de prendre en main le pouvoir, il se mit à jouer l’enthousiasme, et s’écria : « Si nous ne pouvons retrouver Bailly, le vertueux maire de Paris en 1789, félicitons-nous d’avoir retrouvé l’illustre chef de la garde nationale. » C’était rappeler adroitement à Lafayette un de ces souvenirs que caresse volontiers la vanité des vieillards. Celui-ci, d’ailleurs, ne voyait pas de bien haut.

Lafayette accepte, il part pour l’Hôtel-de-Ville, ces Tuileries du peuple depuis le 10 août. On se précipitait sur le passage de ce marquis aimé du peuple. On le soulevait pour l’aider à franchir les barricades. Et lui, appuyé d’un côté sur le bras de M. Carbonel, de l’autre sur celui de M. Audry de Puyraveau, il s’avançait porté par l’acclamation populaire, et souriant à cette ovation qui le ramenait aux vives impressions de sa jeunesse.

Dans la rue Neuve-Saint-Marc, il aperçut un jeune homme, M. Etienne Arago, qui portait à son cha-