Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une royauté à qui Ney, en mourant, avait enlevé le droit de grâce. Il fit éclater toute l’agitation de son âme dans ces mots terribles : « Il est trop tard ! Le trône de Charles X s’est écroulé dans le sang ! » Quant à M. Mauguin, chez qui une nature ardente était tempérée par un esprit calculateur, il ne jugeait pas encore la monarchie perdue, et voulait qu’on ouvrît l’oreille aux négociations. « Avez-vous des pouvoirs écrits, demanda-t-il ? » Cette question imprévue déconcerta M. de Sémonville. Alors se levant avec impétuosité et courant à la fenêtre le loyal M. de Puyraveau s’écria : « Ne parlez plus d’arrangement, ou je fais monter ici le peuple ! »

Les envoyés de Charles X se retirèrent. Mais M. Casimir Périer conservait encore quelque espérance : il les conjura d’aller trouver M. Laffitte et de tenter en faveur de Charles X un dernier effort. M. de Sémonville, découragé, s’y refusa ; les deux autres y consentirent ; et le collègue de M. de Mortemart leur donna un laissez-passer dans lequel le nom d’Arnaud fut substitué à celui de Vitrolles, qui pouvait réveiller de dangereux souvenirs. Avec ce chiffon de papier, les deux négociateurs parcoururent librement la ville, où l’on arrêta ce soir là, comme je l’ai dit, plusieurs jeunes gens qui avaient combattu vaillamment, mais à qui M. Casimir Périer n’avait pas donné de sauf-conduit !

M. d’Argout se présenta seul chez M. Laffitte. La chaleur était étouffante, les fenêtres ouvertes et les appartements remplis de monde. M. d’Argout attira M. Laffitte dans l’embrasure d’une croisée. La voix du négociateur était altérée, et il avait presque les