Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/331

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temart obtint de continuer sa route, mais il dût tourner à pied le bois de Boulogne. Craignant d’être arrêté à la barrière de Passy, il fit un long détour pour gagner la capitale. Du Point-du-jour au pont de Grenelle, il remarqua que tout était solitude et silence. Il entra dans Paris en escaladant un mur dans lequel avait été pratiquée une brèche, par où on faisait passer des vins de contrebande. Sans cravate et sa redingote sur le bras, il marchait mêlé à quelques hommes du peuple dont il déjouait la surveillance par des propos militaires, et c’est ainsi, qu’il arriva sur la place Louis XV. Il était environ huit heures du matin ; la ville était muette et toutes les fenêtres étaient fermées ; on n’apercevait dans les rues que de tranquilles passants. « C’est le calme de « la force » dit le duc de Mortemart à ceux qui l’accompagnaient.

Les Parisiens avaient employé la nuit à construire des barricades, pour mettre la ville à l’abri de toute attaque. Des lampions placés aux fenêtres et sur les pierres amoncelées dans les rues, éclairaient les travailleurs, groupés de distance en distance. De quelle condition étaient ces travailleurs ? pour qui veillaient-ils auprès de ces monceaux de pierres ? et quel était leur espoir ? On entendit s’élever, du sein des quartiers reculés, des clameurs étranges, aussitôt suivies d’un long silence. Et les patrouilles de bourgeois s’arrêtaient pour écouter cette voix du peuple dans la nuit. On veillait aussi à l’hôtel Laffitte.