Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/369

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La surprise du Dauphin fut extrême, mais quand il sut que la proclamation dont le général se plaignait, portait la signature du duc de Raguse, il entra dans la plus violente colère. Il court chez le roi, lui fait part de ce qui se passe, et va par tout le château cherchant le maréchal, qui était dans la salle de billard. Le Dauphin entre brusquement et ordonne au duc de Raguse de le suivre dans une pièce voisine. On attendait avec anxiété le dénouement de cette entrevue. Tout à coup de grands éclats de voix retentissent la porte du salon s’ouvre avec force, et, après le maréchal qui recule à pas précipités, le dauphin paraît, la tête nue et les yeux hagards. Marmont reculait toujours. Le prince s’élance sur lui et lui arrache son épée, mais avec tant de précipitation que le sang jaillit de ses doigts qui ont serré trop fortement la lame. « A moi, gardes ! » s’écrie-t-il alors avec égarement. Les gardes entourent le maréchal, l’arrêtent, et le conduisent dans son appartement, où il est retenu prisonnier. En un instant le bruit de cette arrestation se répand parmi les soldats ; mille commentaires sinistres circulent dans les rangs, et le mot trahison y est prononcé à voix haute. Triste et singulière destinée que celle de cet homme, condamné à Paris comme meurtrier, à Saint-Cloud comme traître, et deux fois maudit !

Plus équitable que le Dauphin, Charles X rompit les arrêts du maréchal, le fit venir, et mit tout en usage pour adoucir sa blessure. C’était un touchant spectacle que celui de ce vieux roi, si rudement frappé lui-même, prenant ainsi le rôle de consolateur, et descendant du haut de sa propre infortune