Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/386

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manquait encore à la dynastie nouvelle. Le duc d’Orléans et les députés prirent le chemin de la place de Grève. Lorsqu’ils sortirent du Palais-Royal, les cris de joie et de triomphe étaient assez nombreux. Le duc d’Orléans, à cheval, précédait M. Laffitte que des savoyards portaient dans une chaise. Ils étaient obligés de marcher lentement. Mais le duc s’arrêtait d’intervalle en intervalle pour les attendre, et se retournant, la main appuyée sur la croupe de son cheval, il parlait à M. Laffitte avec une bienveillance très démonstrative. Ce que voyant, les bourgeois applaudissaient. « Cela va bien », disait M. Laffitte « — Mais oui, répondait le duc d’Orléans, cela ne va pas mal. » Misères de la grandeur ! À partir du Carrousel, les acclamations avaient été beaucoup moins bruyantes. À mesure qu’on longeait les quais, l’attitude de la population devenait plus grave. Au Pont-Neuf, les cris cessèrent tout-à-fait. Lorsque le cortège arriva sur la place de Grève, elle présentait un aspect effrayant. Une grande foule la remplissait, et c’étaient partout des visages sinistres. On assurait que dans les rues obscures qui débouchent sur la place de Grève, des hommes étaient apostés pour tuer le duc d’Orléans au passage. Dans l’intérieur de l’Hôtel-de-Ville, l’indignation était au comble, et quelques personnages importants la partageaient. Le docteur Delaberge étant venu annoncer qu’à quelques pas de là, des jeunes gens paraissaient disposés à tout braver, et que la crainte d’égarer leurs coups sur Benjamin-Constant, Laffitte et quelques autres citoyens aimés, était à peine capable de les