Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/396

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tiques ; que la multitude, par incertitude et ignorance, était toute prête pour la servitude avec des mots nouveaux ; et enfin qu’il pouvait compter sur l’imbécillité publique. D’ailleurs, M. de Lafayette lui avait communiqué dans un embrassement toute la puissance d’un beau nom et une popularité sans égale. Il avait encore des ménagements à garder vis-à-vis de Charles X ; il sentit qu’il n’avait plus rien à craindre du parti républicain.

Aussi la soirée de ce jour mémorable fut-elle marquée par une scène dont les moindres détails méritent d’être rapportés. M. Thiers fit prévenir quelques jeunes gens qui à une intelligence prompte et vive joignaient une grande bravoure personnelle, que le lieutenant-général du royaume désirait avoir avec eux une entrevue. Ils se réunirent donc dans les bureaux du National, et là M. Thiers ne négligea rien pour plier à une révolution de palais ces âmes fortement trempées. Il osa même dire, en montrant M. Thomas : Voici un beau colonel, insinuations empruntées à une habileté vulgaire et qui furent repoussées avec dédain.

On se rendit au Palais-Royal. Les visiteurs étaient MM. Boinvilliers, Godefroi Cavaignac, Guinard, Bastide, Thomas et Chevallon. M. Thiers leur servait d’introducteur. Ils attendirent assez long-temps dans la grande salle située entre les deux cours du Palais Royal, et déjà leur impatience éclatait en menaces, lorsque le lieutenant-général entra d’un air gracieux et le sourire sur les lèvres. La scène se passait aux flambeaux. Le duc exprima poliment à ces Messieurs le plaisir qu’il éprouvait à les recevoir,