Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/399

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donc que mon père était de la Convention ? — Le mien aussi, Monsieur, répliqua le duc d’Orléans ; et je n’ai jamais connu d’homme plus respectable. » Les assistants étaient attentifs à ce débat entre deux fils de régicide. Le duc d’Orléans se plaignit des calomnies répandues contre sa famille, et comme M. Boinvilliers avait manifesté la crainte de voir les carlistes et le clergé encombrer les avenues d’un trône nouveau : « Oh ! pour ceux-là, s’écria le duc énergiquement, ils ont porté de trop rudes coups à ma maison : une barrière éternelle nous sépare. » Puis s’enivrant de sa propre parole et oubliant tout-à-fait son entrevue avec M. de Mortemart, il parla d’une rivalité, rivalité longue et terrible. « Vous savez ce que sont les haines de famille ? Eh bien ! celle qui divise la branche aînée et la branche cadette des Bourbons ne date pas d’hier : elle remonte à Philippe, frère de Louis XIV. » Il fit l’éloge du régent : le régent avait été horriblement calomnié ; on n’avait pas su tous les services qu’il voulait et pouvait rendre ; beaucoup de fautes lui avaient été injustement imputées, etc., etc. Il aborda ainsi bien des sujets divers, s’exprimant sur toute chose longuement, sans éclat, sans profondeur, mais non sans maturité et avec une facilité d’élocution remarquable. Peut-être cédait-il de la sorte à un entraînement vaniteux. Peut-être aussi était-il bien aise de montrer en quoi son éducation avait différé de celle des autres princes, moins habiles en cela, toutefois, que M. de Talleyrand à qui l’Europe crut du génie, parce qu’il avait passé la moitié de sa vie à parler en monosyllabes et l’autre moitié à se taire.