Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/406

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autres, sa figure bilieuse et altérée. Provoqué par ses adversaires, il fixait sur eux un regard prompt à lancer l’insulte, et il relevait sa tête sur sa taille voûtée, avec une indicible expression de colère et d’ironie. Protestant et professeur, son geste péremptoire, son ton dogmatique, lui prêtaient quelque chose d’indomptable ; sa fermeté pourtant était toute dans les apparences : au fond, c’était un esprit sans activité, et dont la volonté manquait de vigueur. La suite même qu’on remarquait dans les écrits de M. Guizot tenait de l’obstination du maître qui ne veut passe contredire devant ses élèves. On le jugeait cruel : il ne l’était peut-être que dans ses discours ; mais par raffinement d’orgueil, il aimait à se compromettre, et lui, qui volontiers laissait ignorer ses vertus, il avait des vices d’apparat. La versatilité de sa conduite politique n’était, en 1830, un mystère pour personne, et le souvenir de son rôle de 1815 lui avait attiré de vives attaques. Il s’en inquiétait peu : fidèle dans ses amitiés, pour que nul n’eût à se repentir d’avoir compté sur sa fortune, il avait toujours affecté de mépriser ses ennemis, afin qu’on ne le soupçonnât pas de les craindre. Son talent consistait à dissimuler sous la solennité de l’expression et la pompe des formules une extrême pauvreté de vues et des sentiments sans grandeur. Sa parole, cependant, avait de l’autorité ; et son désintéressement, la gravité de sa vie, ses vertus domestiques, l’austérité de ses manières, lui donnaient du relief au milieu d’une société frivole et cupide. Ajoutez à cela qu’il avait, comme Casimir Périer, l’art d’ennoblir les vulgaires desseins et de servir en paraissant régner.