Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/456

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pectèrent longt-temps son sommeil. Mais Charles Teste avait trouvé singuliers les termes de la lettre de Lafayette, et il était impatient d’une explication. Il lui posa légèrement la main sur le front et le réveilla. — « Ah ! vous voici, Messieurs, dit Lafayette en ouvrant les yeux ; je vous mandais pour vous dire que le projet convenu est impossible. — Impossible ! s’écria avec emportement Charles Teste, nature loyale, mais ardente et soupçonneuse. — Que voulez-vous ? reprit Lafayette, on est venu me conjurer de ne pas livrer Paris aux hasards d’une révolution nouvelle. Je l’ai promis, et sur l’honneur. — Mais c’est sur l’honneur aussi que vous nous avez promis de ne pas laisser la révolution se perdre dans une intrigue, répliqua Charles Teste, surpris et désespéré. » Il n’insista pas, et bientôt les républicains apprirent qu’ils ne devaient plus compter sur Lafayette.

Ainsi s’étendait peu à peu et se fortifiait, en se dégageant de tous les obstacles, une puissance qui n’avait pourtant pas ses racines au cœur même de la révolution. Néanmoins, quelques ménagements étaient imposés par la situation des esprits aux plus âpres ambitions. Le mot royal, qui pendant les trois jours avait été effacé partout, n’avait encore reparu nulle part. Les avocats à la cour royale ne s’intitulaient qu’avocats à la cour d’appel. Parmi ceux qui auraient voulu voir couronner le duc d’Orléans, les uns se réjouissaient à l’idée qu’il allait devenir roi en étendant la main sur la couronne ; d’autres, moins initiés à la connaissance du passé, craignaient qu’il ne fut arrêté par d’intimes scrupules.