Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/482

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d’une volonté sans contrôle. La pairie ne s’étant formée que de toutes les défections éclatantes dont trente ans de secousses politiques avaient fourni l’occasion et donné au monde le scandale, on l’avait jugée toute prête pour une nouvelle servitude.

Mais il y avait alors, parmi les pairs, un homme dont on connaissait, au Palais-Royal, la loyauté chevaleresque et l’âme fidèle. Le bruit avait couru que M. de Chateaubriand préparait un discours accusateur et terrible qu’il allait y donner, envers tous, l’exemple du courage, protester une dernière fois pour la monarchie vaincue, dénoncer enfin les amis qui l’avaient égarée et les parents qui l’avaient trahie.

Cette nouvelle était parvenue au Palais-Royal, où elle avait jeté là plus grande inquiétude. Il fallait à tout prix conjurer un pareil danger. Mme Adélaïde fit savoir à M. François Arago que le duc d’Orléans désirait avoir avec lui un entretien secret. M. Arago ne put parvenir jusqu’au prince, soit par l’effet de circonstances fortuites, soit que le duc d’Orléans craignit de se compromettre personnellement dans une négociation aussi délicate. Mme Adélaïde leva la difficulté. Elle vit M. Arago et lui déclara qu’en lui saurait un gré infini d’aller trouver M. de Chateaubriand pour le supplier de renoncer à son discours. À cette condition, M. de Chateaubriand était assure d’avoir sa place dans lie ministère. M. Arago se rendit chez l’illustre poète. Il lui exposa que la France venait d’être remuée dans ses profondeurs ; qu’il importait de ne la point livrer aux hasards des réactions trop promptes ; que le duc d’Orléans, devenu roi, pouvait beaucoup pour les libertés publiques,