Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/50

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grandeur, si, par l’éclat factice dont ils s’environnent, ils ne se trompaient d’abord eux-mêmes.

Louis XVIII avait certainement reçu de la destinée des enseignements austères. Cette couronne que la main d’un conquérant barbare plaçait sur la tête du successeur de Louis XIV, elle était teinte d’un sang royal. Louis XVIII n’ignorait pas comment avait été terni l’éclat de son nom. Sa famille, injurieusement proscrite, avait été vue errant par le monde et allant implorer de capitale en capitale une hospitalité pleine de dédains. Lui-même, il s’était fatigué sur les routes de l’exil. Si bien qu’un jour, fuyant à travers l’Allemagne, il avait dû se reposer devant un poteau sur lequel un roi avait fait écrire : « Ne pourront s’arrêter ici plus d’un quart-d’heure les mendiants et les proscrits. » Et pourtant, le premier soin de cet homme, si rudement éprouvé, fut d’enfler son triomphe et de se prouver à lui-même sa puissance. Avant toute chose, il s’occupa de composer fastueusement sa maison. Dans ce palais du haut duquel on apercevait la place où la main du bourreau avait touché Louis XVI, l’ancienne étiquette fut rétablie et, pour fournir à la cour nouvelle un grand maître, un grand aumônier, un grand maître de la garde-robe, un grand maître des cérémonies, un grand maréchal-des-logis, les noms les plus illustres et les plus vieux parurent à peine assez vieux et assez illustres.

La haute bourgeoisie fut profondément blessée de