Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/509

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

verse franche et utile, mais à les présenter sous un faux jour et à les résoudre par des sophismes.

La presse a jeté ainsi le désordre dans les intelligences les plus droites, ébranlé les convictions les plus fermes, et produit, au milieu de la société, une confusion de principes qui se prête aux tentatives les plus funestes. C’est par l’anarchie dans les doctrines qu’elle prélude à l’anarchie dans l’État.

Il est digne de remarque, Sire, que la presse périodique n’a pas même rempli sa plus essentielle condition : celle de la publicité. Ce qui est étrange, mais ce qui est vrai à dire, c’est qu’il n’y a pas de publicité en France, en prenant ce mot dans sa juste et rigoureuse acception. Dans l’état des choses, les faits, quand ils ne sont pas entièrement supposés, ne parviennent à la connaissance de plusieurs millions de lecteurs que tronqués, défigurés, mutilés de la manière la plus odieuse. Un épais nuage, élevé par les journaux, dérobe la vérité et intercepte en quelque sorte la lumière entre le Gouvernement et les peuples. Les Rois vos prédécesseurs, Sire, ont toujours aimé à se communiquer à leurs sujets : c’est une satisfaction dont la presse n’a pas voulu que Votre Majesté pût jouir.

Une licence qui a franchi toutes les bornes n’a respecté, en effet, même dans les occasions les plus solennelles, ni les volontés expresses du Roi, ni les paroles descendues du haut du trône. Les unes ont été méconnues et dénaturées, les autres ont été l’objet de perfides commentaires ou d’amères dérisions. C’est ainsi que le dernier acte de la puissance royale, la proclamation, a été discréditée dans le public avant même d’être connue des électeurs.

Ce n’est pas tout. La presse ne tend pas moins qu’à subjuguer la souveraineté et à envahir les pouvoirs de l’État. Organe prétendu de l’opinion publique, elle aspire à diriger les débats des deux chambres, et il est incontestable qu’elle y apporte le poids d’une influence non moins fâcheuse que décisive. Cette domination a pris, surtout depuis deux ou trois ans, dans la chambre des députés un caractère manifeste d’oppression et de tyrannie. On a vu, dans cette intervalle de temps, les journaux poursuivre de leurs insultes et de leurs outrages les membres dont le vote leur paraissait incertain ou suspect. Trop souvent, Sire, la liberté des délibérations dans cette chambre a succombé sous les coups redoublés de la presse.

On ne peut qualifier en termes moins sévères la conduite des journaux de l’opposition dans des circonstances plus récentes. Après avoir eux-mêmes provoqué une adresse attentatoire aux prérogatives du trône, ils n’ont pas craint d’ériger en principe la réélection des 221 députés dont elle est l’ouvrage. Et cependant Votre Majesté avait repoussé cette adresse comme offensante ; elle avait porté un blâme public sur le refus de concours qui y était exprimé ; elle avait annoncé sa résolution immuable de défendre les droits de sa couronne si ouvertement compromis. Les feuilles périodiques n’en ont tenu compte elles ont pris, au contraire, à tâche de renouveler, de perpétuer et d’aggraver l’offense. Votre Majesté décidera si cette attaque téméraire doit rester plus long-temps impunie.

Mais de tous les excès de la presse, le plus grave peut-être nous reste à