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avaient des maîtresses coûteuses, des loges aux théâtres, des dîners chez Véry. C’est de cette année 1815 que datent la plupart des fortunes marchandes de la capitale. On ne peut s’imaginer l’immense dépense des chefs des armées coalisées le grand duc Constantin et son frère laissèrent à Paris 1,500,000 roubles dans l’espace de quarante jours. Blucher, qui reçut trois millions du gouvernement français, engagea ses terres et partit ruiné par les maisons de jeu[1]. » On le voit : Paris recevait largement son salaire ; les ennemis de la France étaient prodigues, et les pourvoyeurs de cette cohue enchantée se montraient aussi pressés d’épuiser les bénéfices de son ivresse, qu’elle l’était elle-même d’en épuiser les plaisirs et l’insolence !

Mais, dans les résultats produits par l’invasion, il y eût cela de singulier, que la France fut brutalement sacrifiée à Paris.

En 1815, la centralisation établie par l’Empire existait dans sa plénitude ; tous les instincts, tous les intérêts, toutes les passions de plus de trente millions d’hommes, Paris les concentrait dans leur diversité sans les affaiblir ; il les résumait sans les altérer. Déjà, Paris c’était la France. L’invasion mit en relief ce qu’une telle centralisation pouvait avoir d’oppressif : une ville fut enrichie, et tout un royaume mis au pillage. Oui, les campagnes dévas-

  1. Histoire de la Restauration, par un homme d’État, 3e vol., p. 64 et 65.