Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/131

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retard, M. de Kératry se leva ; et, comme il importait d’intéresser au salut des ministres prisonniers la générosité du peuple, encore assez puissant pour être ménagé. « Je l’atteste levant vous, Messieurs, s’écria impétueusement l’orateur, s’il était possible de rassembler dans cette enceinte les parents et les amis des courageuses victimes de juillet, et de leur demander : voulez-vous du sang pour du sang ? Parlez ! Le jury silencieux agiterait sa tête en signe de refus, et retournerait, avec sa noble douleur, vers ses foyers déserts ! Que si je me trompais, j’adjurerais les mânes des nobles victimes elles-mêmes ; en pensée, je les appellerais à réformer une sentence aussi peu digne d’elles : car je sais que les braves qui risquent leur vie pour une sainte cause, ne versent du sang que pendant la mêlée. » À ces mots, des applaudissements retentissent dans l’assemblée. M. de Kératry continue : il demande que la commission dont on a entendu le rapport soit chargée de rédiger un projet d’adresse au roi, et que l’abolition de la peine de mort pour crimes politiques soit confiée à l’initiative du monarque.

M. de Lafayette se lève à son tour au milieu de l’assemblée attentive : « On vous a proposé l’ajournement, dit-il. Sans doute ceux qui l’ont demandé n’ont pas eu le malheur de voir traîner sur les échafauds leur famille, leurs amis, les premiers citoyens de la France : ils n’ont pas eu le malheur de voir des infortunés immolés sous prétexte de Fayétisme. » L’assemblée couvre d’applaudissements la voix respectée de Lafayette. La proposition