Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/141

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Cette scène étrange avait jeté les ministres dans un trouble inexprimable. L’émotion du roi était au comble. Le garde des sceaux s’était levé ; il allait sortir. Le duc d’Orléans, présent au conseil, s’avance aussitôt vers M. Dupont (de l’Eure), lui prend les mains, et le conduisant au roi : « M. Dupont est un honnête homme, mon père. Il ne peut y avoir en tout ceci qu’un malentendu. » Le roi attendri embrassa son ministre, qui, touché à son tour, consentit à garder un pouvoir dont la possession n’était pas encore sans danger.

Quant à MM. de Broglie, Guizot, Molé, Casimir Périer, Dupin et Bignon, ils sentirent bien que l’exercice du pouvoir, tel qu’ils l’entendaient, serait paralysé dans leurs mains aussi long-temps qu’ils auraient M. de Lafayette pour supérieur, M. Dupont (de l’Eure) pour collègue, et M. Odilon-Barrot pour subordonné. Ils prirent donc la résolution d’abandonner momentanément les affaires.

Le roi aurait voulu conserver tous ses ministres : ceux-ci, parce que leur popularité lui permettait d’affronter un procès, ceux-là, parce qu’ils entraient dans ses sentiments, et prêtaient à ses vues un concours sans conditions. Il s’adressa, pour l’amener l’harmonie dans le conseil, au dévouement de M. Laffitte, sur lequel il exerçait, à cette époque, un invincible empire. M. Laffitte, en effet, mit tout en œuvre pour réconcilier M. Dupont (de l’Eure) et les doctrinaires. Mais ses efforts échouèrent devant l’inflexibilité de l’un et la fierté jalouse des autres. Il fallut former un nouveau cabinet.

Les difficultés étaient grandes. L’émeute grondait