Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/144

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quelle on l’invoquait, le touchait jusqu’aux larmes. Grâce à lui, le ministère devint possible : le 2 novembre, la liste suivante fut arrêtée Laffitte, président du conseil et ministre des finances ; Maison, ministre des affaires étrangères ; Dupont (de l’Eure), de la justice ; Montalivet, de l’intérieur ; Gérard, de la guerre ; Sébastiani, de la marine ; Mérilhou, de l’instruction publique.

Le roi qui, depuis deux jours, faisait de vains efforts pour cacher son trouble, partagé par sa famille, le roi laissa éclater toute sa joie. MM. Sébastiani et Montalivet étaient dévoués non-seulement à sa fortune, non-seulement à sa politique, mais à sa personne. Il pouvait tout sur les généraux Gérard et Maison parce que leur intelligence était bornée, et sur M. Mérilhou parce que son cœur était vulgaire. On sait sous quelle magique influence vivait alors M. Laffitte. Seul, M. Dupont (de l’Eure) était un surveillant incommode ; mais, pour se débarrasser de sa vertu, lorsqu’il aurait cessé d’être nécessaire, la cour comptait sur le dégoût que lui inspirait le pouvoir.

Il s’était introduit, depuis long-temps, dans le langage, politique, un mot que chacun employait, bien que personne n’eût été en état de le définir, pas même ceux à qui on l’appliquait. On avait appelé doctrinaires M. de Broglie, M. Guizot, et leurs amis. Cette appellation, qui leur donnait l’importance d’une secte, avait flatté leur orgueil, et ils l’avaient adoptée, tandis que leurs ennemis s’en servaient pour exciter contre eux les plus vives répugnances. Car c’est avec des mots vides de sens qu’on séduit ou qu’on irrite les hommes.