Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/167

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l’insistance de M. Jamet, à qui le secret de l’acquisition a été confié, non par moi, mais chez vous, pour faire enregistrer le sous-seing privé le plus secrètement possible. »

À la lecture de cette lettre, la surprise et la douleur de M. Laffitte furent au comble. Il cherchait en vain quel pouvait être cet ami commun qui avait conseillé au roi de taire courir au plus fidèle de ses sujets, à son ministre de prédilection, à un homme dont la main lui avait donné une couronne, les risques d’une ruine complète. Se rappelant les conditions auxquelles la vente s’était faite, il avait peine à s’expliquer leur violation subite. Il y avait pour lui, banquier rompu à la pratique des affaires, quelque chose d’inintelligible dans cette conciliation que le roi jugeait possible entre l’enregistrement et le secret. Devait-il, en ami blessé qui se venge, abandonner le ministère ? Il repoussa cette pensée. Sa retraite, entraînant celle de Dupont (de l’Eure) qui aurait sans doute saisi cette occasion avec joie, lui parut une détermination trop grave pour qu’il lui fut permis de la prendre sous l’influence d’un sentiment personnel. Il poussa la délicatesse jusqu’à se taire sur cette blessure de son cœur. Mais, dès ce moment, son affection pour le roi devint plus vigilante.

Aussi, ne tarda-t-il pas à comprendre que l’excès de sa confiance le compromettait en compromettant son pays, et il résolut, d’accord en cela avec M. Dupont (de l’Eure) de prendre enfin position vis-à-vis de la France, par une démarche éclatante. M. Thiers fut chargé de rédiger un discours que le président du conseil devait lire à la chambre et où serait clai-