Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/177

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russes abandonnaient leurs postes de toutes parts et cherchaient dans ce pêle-mêle immense à rejoindre leurs corps. Une invincible terreur s’était répandue dans les demeures des riches, et surtout dans les boutiques de la rue des Franciscains, quartier des juifs. La plupart des généraux se cachaient. Chlopicki, dont le nom était déjà dans toutes les bouches, et qui devait jouer si inglorieusement le plus glorieux des rôles Chlopicki n’osait sortir du palais du primat, où il s’était retiré. Quant aux ministres du grand-duc, rassemblés au palais de la Banque ils y délibéraient dans la plus vive agitation.

Au centre de la ville, cependant, la garde à cheval polonaise, commandée par le général Kurnatwski, s’était prononcée en faveur du grand-duc, et elle chassait le peuple devant elle, lorsque les sapeurs, accourant à la hâte, la refoulèrent au fond du faubourg de Cracovie. Le grand-duc n’avait plus qu’un parti à prendre : celui de fondre sur la ville à la tête de ses trois régiments de cavalerie, dont les soldats de Kurnatwski formaient l’avant-garde. Mais cette soudaine tempête semblait l’avoir frappé de vertige. Dans ce camp où il s’était rendu fuyant son palais ensanglanté, il errait devant le front des troupes, en proie à un désespoir violent et stupide. C’en était fait de son règne. Le jour se leva sur Varsovie indépendante.

La nuit mémorable du 29 novembre venait de couvrir de son ombre des scènes héroïques, mais aussi, de tristes massacres. Plusieurs généraux polonais y furent égorgés, et, entr’autres, le vieux Sta-