Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/226

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de la colère du peuple. On n’eut garde de traverser Paris, et l’on gagna rapidement les boulevards extérieurs en évitant le faubourg St.-Antoine.

La nouvelle de cette fuite, répandue dans Paris, y produisit une sensation extraordinaire, Le bruit avait couru d’abord que les ministres venaient d’être frappés d’une condamnation capitale, et l’on avait vu, sur la place St.-Michel, la garde nationale en témoigner sa joie. Mais lorsqu’à l’annonce d’une condamnation a succédé celle d’une fuite, l’indignation s’empare de toutes les âmes. La foule, s’avançant en colonnes serrées, cherche à se faire jour au travers des bataillons qui environnent le palais. La garde nationale tient ferme, et les baïonnettes sont croisées. Le peuple irrite crie de toutes parts Mort aux ministres ! s’enivre de ses propres clameurs, et ne voit plus dans ces soldats-citoyens qu’on lui oppose qu’une garde prétorienne. Eux-mêmes, pour la plupart, ils sont en proie aux sentiments les plus divers. La protection accordée aux accusés les exaspère la crainte du pillage les possède. Un rassemblement d’hommes armés de gourdins s’est formé sur la place du Panthéon. M. François Arago accourt à la tête d’une compagnie, il veut haranguer la foule, mais elle ne lui répond que par ces cris : Au Luxembourg ! Au Luxembourg ! Mort aux ministres ! M. Arago cherche à calmer les plus ardents. « Nous sommes de la même opinion, leur dit-il. — Ceux-là, crie une voix, ne sont pas de la même opinion, dont l’habit n’est pas de la même étoffe. La querelle s’échauffe M. Arago reçoit un coup violent dans la poitrine, et ne par-