Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/229

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moment où l’arrêt va être prononcé, ils se précipitent en tumulte vers la porte de la salle. « C’est indécent, s’écrie M. Pasquier. Qu’on ferme les portes : l’audience n’est que suspendue. » Inutile avertissement ! l’effroi est parmi les juges. Ils prennent des déguisements divers et se dérobent par de secrètes issues. A dix heures, M. Pasquier entre dans la salle d’audience. Elle est presqu’entièrement déserte. Juges, accusés, spectateurs, tous ont disparu. Le lustre à demi éteint ne jette plus sur les banquettes vides qu’une clarté douteuse. C’est au milieu de la solitude et des ténèbres, que M. Pasquier prononce l’arrêt qui condamne tous les accusés à la prison perpétuelle et frappe le prince de Polignac de mort civile.[1]

En marge de cet arrêt, la main d’un haut personnage avait écrit au crayon : « Tâcher d’indiquer d’une manière plus précise que le roi Charles X est le seul auteur des malheurs qui, pendant trois jours, ont désolé Paris. »[2]

Ce fut à Vincennes que les accusés apprirent leur condamnation. Après la lecture de l’arrêt, M. de Chantelauze dit à M. de Guernon-Ranville : « Eh bien, mon cher, nous aurons le temps de faire des parties d’échecs. » M. de Chantelauze avait trop d’esprit pour prendre à la lettre sa condamnation et celle de ses collègues. Plus naïf dans sa loyauté, M. de Polignac parut vivement affecté. Loin de

  1. Voir aux documents historiques.
  2. Ce fait singulier a été révèle par M. Briffault, qui a tenu entre ses mains la minute de l’arrêt, immédiatement après le prononcé.