Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/233

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occasion, le gouvernement pouvait compter sur leur appui. Imbus des doctrines peu savantes du libéralisme, et animés d’une générosité de sentiments, qui ne laissait guère place aux calculs d’une politique profonde, les étudiants n’avaient vu, pour la plupart, que le côté chevaleresque de la question posée devant la France. D’ailleurs, on avait parlé de pillage, et ils pensaient qu’il serait beau, de leur part, après avoir en juillet défendu la liberté, de se précipiter de nouveau dans la rue pour défendre l’ordre ! On conçoit tout ce que devait avoir d’attrayant pour de jeunes hommes ce rôle modérateur qui semblait ajouter à leur importance et attribuer à leur jeunesse les vertus de l’âge mûr. Ils se réunirent donc, firent une adresse qu’ils publièrent avec l’autorisation expresse du préfet de la Seine, se formèrent en bataillons civils, et, mêlés à la 12e légion, se mirent à parcourir la ville, demandant respect pour la loi, prêchant le calme, et invitant la multitude à rentrer dans ses foyers. Les élèves de l’école polytechnique avaient revêtu ce magique uniforme que, cinq mois auparavant, les hommes du peuple couraient saluer avec enthousiasme. Les élèves des autres écoles, pour se faire reconnaître, portaient leurs cartes à leurs chapeaux. Suivaient dix ou douze mille ouvriers qui, comprenant à peine les intentions des jeunes gens qui leur servaient d’avant-garde, faisaient retentir l’air de provocations et de menaces. Ainsi avaient reparu dans le Paris moderne ces processions de puissants écoliers par où s’était jadis manifestée l’anarchie du moyen-âge. Car, jusque dans cette mission de paix adoptée