Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avaient payée argent comptant, ils repoussèrent avec dédain les remerciments de la chambre.

La cour s’émut faiblement de cette opposition tardive, et donna ordre à ses journaux de traiter en écoliers mutins ceux dont, la veille, elle avait artificieusement glorifié la sagesse.

Pour ce qui est de M. de Lafayette, que dire de son rôle dans ces récentes commotions ? Candide comme un enfant, quoique vieilli au milieu des luttes politiques, nul n’avait autant que lui contribué à un dénouement qui devait être le tombeau de ses plus chères espérances. Vainement quelques-uns de ses amis l’avaient-ils supplié de regarder au fond des choses, de se défier de la cour, de ne pas attendre, pour dicter des conditions, que le trône pût se passer de son appui ; à ces exhortations et à ces prières il n’avait cessé de répondre que son plus pressant devoir était d’empêcher la révolution de juillet de se déshonorer ; qu’il serait toujours temps pour lui de venir en aide à la liberté en péril ; et qu’il répugnait à sa loyauté d’abuser, à l’égard de la cour, du besoin qu’elle avait de lui. Jamais l’aveuglement ne fut poussé si loin, mais il est juste de reconnaître qu’il s’y mêla une pensée généreuse. M. de Lafayette n’ignorait pas le coup qu’il allait porter de ses propres mains à sa popularité, et pour un homme tel que lui, le sacrifice était immense. Ce sacrifice, cependant, il le fit sans hésitation et avec une sérénité touchante. Dans son ordre du jour du 19 décembre, il avait dit que ses frères d’armes le retrouveraient ce qu’il fut à dix-neuf ans : « L’homme de la liberté et de l’ordre public, aimant sa popu-