Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/237

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larité beaucoup plus que sa vie, mais décidé à sacrifier l’une et l’autre plutôt que de manquer à un devoir ou de souffrir un crime. » Avec une intelligence plus élevée, M. de Lafayette aurait compris qu’un homme politique n’a pas le droit de renoncer légèrement à sa popularité que c’est une force dont il est tenu de rendre compte à son pays ; qu’il se doit de la ménager, dans l’intérêt public ; et que, s’il y a bassesse d’âme à se la proposer pour but, il y a faiblesse d’esprit, quand on la possède, à ne la point considérer comme un instrument.

L’imprudence de M. de Lafayette était donc inexcusable : il en fut cruellement puni. Le 24 décembre, alors que la ville encore émue, quoique calmée, attestait la grandeur du service qu’il venait de rendre à la royauté, le titre de commandant général des gardes nationales du royaume fut aboli par la chambre des députés. On destituait Lafayette. Plusieurs amendements avaient été présentés pour faire consacrer en sa faveur une exception à la règle : ils furent tous rejetés l’un après l’autre. Le ministère vint, à son tour, proposer qu’on laissât le roi libre de conférer à M. de Lafayette, par une ordonnance nouvelle, le commandement honoraire. Proposition dérisoire par laquelle le gouvernement semblait, en la voulant justifier, confesser son ingratitude !

Il est certain que l’autorité dont on dépouillait M. de Lafayette était exorbitante. Son ami, M. Eusèbe de Salverte, l’avait hautement déclaré à la tribune. Lui-même, il avait avoué autrefois que le commandement irresponsable de toute la bourgeoisie armée du royaume ne pouvait être confié à un simple cito-