Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/290

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haines, se joignaient celles de quelques hommes graves qui, portant leurs regards au-delà du présent, voyaient dans cette ardeur aveugle de la bourgeoisie à tout envahir, le germe de sa ruine et le signal des plus affligeants désordres. La loi qui venait d’être votée préparait, en effet, l’anéantissement de la commune, et cet anéantissement fut consommé, comme on le verra plus tard, par la loi sur les attributions municipales.

Ainsi, dès ses premiers pas dans la carrière législative, le gouvernement de la bourgeoisie était convaincu d’egoïsme et d’imprévoyance. Car, chose étrange ! pendant qu’on s’ingéniait si péniblement pour régulariser les fléaux de la centralisation administrative, les derniers vestiges de la centralisation politique avaient disparu. L’impulsion odieuse, mais hardie et persévérante, que les congréganistes, sous la Restauration, avaient donnée à la société, faisait place à des oscillations infinies. Les libéraux, à peine vainqueurs, avaient eu hâte de réaliser leur fameuse théorie de l’athéisme dans la loi, sans songer que tout ce qu’on retranche, dans l’état, à la souveraineté de Dieu, on l’ajoute à la souveraineté du bourreau. L égalité des cultes,[1] consécration nécessaire des plus grossiers charlatanismes, faisait insensiblement passer, des esprits dans les consciences, le trouble qui naît de toute commotion violente ; et la

  1. Il ne faut pas confondre la liberté de conscience avec l’égalité des cultes. La conscience est un sanctuaire que nul pouvoir humain n’a le droit de violer ; mais il y a loin de ce respect pour le culte individuel et domestique à la suppression de toute religion de l’Etat. L’Etat se doit de diriger les intérêts moraux de la société comme il dirige ses intérêts matériels. S’il se déclare indifférent, il abdique.