Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/294

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trouve la cérémonie achevé et les fidèles dispersés ; mais le tumulte croissait : M. Baude fait ranger des gardes municipaux devant le portail et fermer la grille. Un pâle jeune homme, vêtu de noir et aux cheveux flottants, était en ce moment sur la place, muet, immobile, et paraissant contempler avec ironie le spectacle de cette multitude impatiente. Au jésuite ! crie une voix. Aussitôt un hourra terrible s’élève. On entoure le jeune homme, on le saisit, on l’enlève : il va être précipité dans la Seine, et déjà il se débat avec angoisse sur le parapet du fleuve. Le préfet de police s’élance pour le sauver, suivi de quelques hommes. Une lutte s’engage. Elle dura plus d’une heure, et Paris resta sans préfet de police, pendant que la foule, roulant le long des quais comme une avalanche, et débouchant de toutes les rues, venait se heurter, avec mille cris confus, contre les portes, les grilles et les murs de la vieille église.

C’était le gouvernement de la bourgeoisie que les carlistes venaient de menacer. Aussi cette émeute n’avait-elle pas la physionomie exclusivement populaire du mouvement insurrectionnel de décembre. Des bourgeois en habit noir et en gants jaunes y figuraient à l’avant-garde. L’impiété rieuse de la jeunesse des écoles s’y mariait à la rue licence du peuple. Les autorités elles-mêmes encourageaient au mal par l’affectation de leur indifférence et le scandale de leur apathie. Ce fut sur l’ordre d’un magistrat de la cité qu’on abattit la croix qui surmontait l’église. Les troupes semblaient se cacher. Tout pouvoir était absent. La garde nationale, si ardente à protéger la boutique, laissait libre la route