Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/303

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le corps frémissant et l’œil en feu, insultait avec arrogance aux susceptibilités d’étiquette qui armaient contre lui son inférieur, M. Odilon Barrot, de sa place, jetait en quelque sorte sa démission au ministre, d’un air à la fois dédaigneux et irrité. Durant plusieurs jours, les débats continuèrent entre les meneurs de la bourgeoisie sur un ton d’aigreur où éclatait l’anarchie que portaient dans leurs flancs toutes les puissances nouvelles. M. Dupin aîné et M. de Lafayette, M. Guizot et M. Laffitte, vinrent successivement se reprocher les uns aux autres les malheurs d’une situation qu’ils s’accordaient tous également à représenter sombre, incertaine et terrible.

L’arbitraire n’est qu’une forme de l’anarchie. Pour donner le change au public, le pouvoir déploya une violence étourdie. Il fit arrêter, sans cause sérieuse, des républicains, des légitimistes, et fournit de la sorte à ses ennemis l’occasion de se dire persécutés. Conduite téméraire ! car rien ne révolte davantage que la faiblesse qui s’emporte au-delà des droits même de la force ! L’arrestation de M. Ouvrard eut probablement soulevé des récriminations moins vives. On racontait que ce financier célèbre jouait à la Bourse pour son compte et pour celui de M. de Talleyrand, qui, de Londres, assurait-on, lui faisait secrètement passer toutes les nouvelles. Il poussait fortement à la baisse depuis 1830, et on lui supposait un intérêt direct dans toutes les agitations. A ceux auprès de qui cette opinion s’était accréditée, la coopération d’un joueur aux troubles de février, paraissait chose fort naturelle, la haine du crucifix et l’outrage à Dieu pouvant être, selon