Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/304

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les temps, une très-heureuse spéculation à la baisse ! Ce qui est certain, c’est que, sur un rapport du préfet de police, un ordre d’arrestation fut lancé contre M. Ouvrard. Mais il sut échapper aux poursuites.

Cependant, les croix étaient partout abattues ; sous les yeux de l’autorité. Et elle laissait faire, méconnaissant ce qu’il y a de philosophique dans cette majesté d’un gibet que le monde avait adoré comme un sublime et touchant symbole du dévouement.

Il est vrai que, dans la pensée des démolisseurs, la proscription des croix se liait à celle des fleurs de lys. Mais si, de la part des novateurs audacieux, la guerre aux fleurs de lys était concevable, elle l’était beaucoup moins de la part des hommes qui avaient la prétention d’opposer aux envahissements de l’esprit moderne le prestige des traditions monarchiques. La cour n’en consentit pas moins à renier cet emblème. Doublement infidèle à des souvenirs de famille et à des souvenirs de monarchie, elle souffrit que l’émeute vînt injurieusement vérifier l’armure de Condé et raturer le bouclier de Duguesclin. Une ordonnance parut au Moniteur, qui donnait au sceau de l’état une physionomie plus bourgeoise. Les voitures du roi sortirent du palais avec des armoiries grattées, et le successeur des Capets fit disparaître les fleurs de lys qui ornaient les balcons en fer de sa demeure.

Ces actes de condescendance avaient pour but de plaire à la bourgeoisie, qui en parut réellement flattée ; mais ils furent désapprouvés par ceux des meneurs qui, dans une politique d’expédients, ne