Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/309

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également menacés dans leur existence, et il fallait pourvoir d’avance aux nécessités de la crise prévue. Dans les salons, dans les journaux, à la Bourse, dans tous les lieux publics, on ne parlait plus que de la chambre à dissoudre et du mode suivant lequel une chambre nouvelle serait formée. La question était solennelle : on n’en pouvait soulever de plus grave. Entre la domination du peuple par le suffrage universel et le règne de la bourgeoisie par un monopole électoral basé sur la fortune, il s’agissait de décider. Les partis comprirent qu’ils touchaient à un moment suprême, et de toutes parts ce cri fut poussé : la réforme électorale !

Logiciens rigoureux et interprètes fidèles du principe de la souveraineté du peuple, les républicains demandaient pour tout citoyen le droit de suffrage ; ils représentaient quelle force et quel éclat puiserait dans son origine même une assemblée dont la légitimité résulterait de la volonté de tout un peuple ; la loi devant être faite pour tous, ils avaient peine à concevoir qu’elle ne fut pas faite par tous ; ils montraient l’autorité législative devenant, si on la concentrait aux mains des riches, une massue avec laquelle ils écraseraient les pauvres, et ils adjuraient la nation de prendre garde à la tyrannie de la loi, plus dangereuse que celle de l’homme, parce qu’elle dure davantage et qu’elle étend son joug sur plus de têtes à la fois. La tyrannie de l’homme, en effet, est capricieuse comme toute passion individuelle ; elle a des moments d’intermittence, quelquefois de prudents retours. Sa durée, d’ailleurs, se peut mesurer et définir. Où finit Vitellius, Vespasien commence. La