Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/317

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paraissait craindre qu’après s’être servi de lui comme d’un instrument, les patriotes italiens, au lieu de le couronner roi constitutionnel, ne fissent tourner la révolution à la république. Il termina l’entretien en chargeant M. Misley de ses remerciments pour tous les braves patriotes qui l’avaient investi de leur confiance. Il leur souhaitait bonne chance dans leur entreprise hasardeuse, et désirait « qu’une occasion s’offrît à lui de montrer qu’il était, lui aussi, bon Italien, et prêt à tout sacrifice pour le véritable bien de son pays. Agissez avec prudence, dit-il à M. Misley en le congédiant, et venez me voir avant votre départ pour Paris. »

Ainsi, le duc de Modène encourageait secrètement l’insurrection, sans néanmoins s’engager, et de façon à se ménager toutes les chances, selon l’usage des princes.

Menotti n’était pas tout-à-fait dupe de cette tactique ; mais le nom du duc lui était utile soit pour donner plus d’importance à ses projets, soit pour séduire par l’appât d’une haute complicité les patriotes douteux. Il entretenait donc avec le duc de Modène des relations fréquentes, exagérait à dessein le profit d’une telle amitié politique, et donnait ainsi une sorte de caractère officiel à ce recrutement de conspirateurs qui était, alors, la grande occupation de sa vie[1].

  1. On nous a communiqué la correspondance secrète de Menotti. Voici ce qu’il écrivait, le 29 décembre 1830, à M. Misley, alors à Paris.

    « Mon frère t’aura appris mon retour de Florence. J’ai eu un long entretien avec…, et nous avons très-bien disposé tout. — À mon retour, je suis allé chez le duc pour le tenir toujours dans la même position. Il a été content de moi et moi de lui. J’espère être parvenu à lui faire faire quelques grâces pour la nouvelle année ; mais je ne crois