Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/383

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Indes, le choléra-morbus s’était mis en marche pour dévaster le monde. Au nord, il s’était avancé dans la Sibérie ; au sud, il avait étendu ses ravages jusque sur les côtes de la Nouvelle-Hollande ; à l’est, il avait franchi la grande muraille de la Chine pour aller se déclarer à Pékin ; à l’ouest, traversant la mer Caspienne, il avait infecté Tiflis et la Nouvelle-Georgie, passé le Caucase, envahi l’empire russe, éclaté à Moskou : et l’armée de Diébitch le portait dans son sein. Ce fut à la bataille d’Iganie que les Polonais contractèrent cette maladie épouvantable ; elle commença par les régiments le plus engagés, et bientôt elle se communiqua au reste des troupes. On eût dit que là mort des champs de bataille ne suffisait plus à l’animosité de ces combats.

Informé de la contagion qui s’avançait, notre gouvernement s’en émut ; il semblait que la peur du fléau le fit sortir de cette indifférence où le laissaient les dangers de la Pologne. Le 19 mai, sur la demande de M. d’Argout, ministre du commerce, une commission de médecins français fut désignée par l’Académie royale de médecine pour aller étudier en Pologne le choléra-morbus[1] Cette commission, présidée par M. Londe, arriva au mois de juin à Varsovie. Elle y trouva ce qu’on nomme la basse classe, entassée, comme partout, dans les quartiers de la vieille ville, quartiers sales, mal pavés, couverts d’eau croupissante ; le peuple y vivait dans un air humide et insalubre, se nourrissant de pain noir, de viandes malsaines, de fruits acides et non

  1. Elle se composait de MM. Charles Londe, Casimir Alibert, Boudard, Dalmas, Dubled et Sandras.