Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/391

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des obus éclataient de toutes parts, et les maisons d’Ostrolenka étaient en flammes : on se battait au milieu de l’incendie. Pendant qu’on débouche par toutes les issues vers les ponts, les grenadiers d’Astrakan, déjà logés dans les maisons voisines du fleuve tirent à bout portant sur les bataillons en retraite. Mêlés aux Polonais, les Russes encombrent les avenues, et dressent leurs batteries sur la rive.

Resté seul dans la ville, le 4e de ligne avait à se faire jour à travers cette foule amoncelée. Il épaissit ses rangs, et, poussant des hourras, il charge cette masse d’hommes à la baïonnette, en fait une boucherie sans nom, et se fraie un passage. Le pont est couvert de morts. La Narew, ensanglantée, ne charrie plus que des cadavres ou des mourants.

Il est onze heures du matin. À la suite du 4e de ligne, les grenadiers d’Astrakan et de Souwaroff se jettent pêle mêle sur les ponts fléchis et délabrés. Les canonniers polonais, qui ont plusieurs fois balayé le passage, ont été tués un à un par les tirailleurs, et sont étendus morts à leurs places. C’est autour de leurs pièces que s’engage le combat sur la rive droite. Les Russes sont protégés par le feu de quatre-vingts pièces de canon qu’ils ont rangées en fer à cheval sur la rive gauche, grâce à la concavité du fleuve. Tout-à-coup arrive au milieu des Polonais le généralissime éperdu. Tranquille tout-à-l’heure dans son quartier général, il croyait entendre le bruit d’un simple engagement. Les troupes assises autour de leurs bivouacs n’avaient pas mangé depuis trente heures. En apprenant que l’armée russe envahit la rive droite, on s’assemble en tumulte ; les