Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un air sombre ces fameuses paroles de Kosciusko : Finis Poloniœ.

Retire dans le camp de Pultusk, ou le choléra l’avait suivi, et accablé de ses pertes, Diébitch était tombé dans une mélancolie profonde. Ne doutant plus que la faveur du maître ne se fût retirée de lui, il cherchait dans l’ivresse l’oubli de ses anxiétés, de ses humiliations. Tout-à-coup on apprit que le comte Orloff était arrivé au camp. L’envoyé de l’empereur portait un nom sinistre. Orloff comptait deux assassinats de princes dans ses traditions de famille. Chacun vit dans l’apparition soudaine de cet homme l’annonce d’un mystérieux arrêt de mort.

Le comte et le feld-maréchal eurent une entrevue, s’assirent à la même table, et le 11 juin, le général Toll prenait le commandement de l’armée russe. Diébitch venait de mourir au milieu d’horribles souffrances. Succombait-il à la peste, ou à cette haine des grands de la terre, fléau redoutable aussi ? Les peuples crurent à un empoisonnement.

De Pultusk, le comte Orloff se rendit à Minsk où se trouvait le grand-duc. Ils eurent une entrevue, s’assirent à la même table, et Constantin mourut.

La princesse de Lowicz aimait son époux, tigre qu’elle avait dompté. Ne lui voyant partout, que des ennemis, elle l’avait entouré d’une tendresse vigilante et courageuse, avec cette admirable puissance de dévouement qui rend précieux aux femmes ce qui est fragile ou menacé. Constantin mort, elle ne se sentit ni la force ni le désir de lui survivre ; et comme elle perdait le but de son existence, elle s’éteignit dans une douleur pieuse, muette et calme.