Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/42

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Cependant, vers la fin du mois d’août, un spectacle étrange était donné à la capitale. On vit défiler le long des quais et des boulevards plusieurs milliers d’artisans, réunis en corps de métier. Ils s’avançaient lentement et en bon ordre ; ils n’avaient point d’armes ; leur maintien était grave ; et pas un cri ne sortait du sein de leur foule attristée. Ils se dirigèrent de la sorte vers l’hôtel du préfet de police. Ils allaient demander justice pour eux, pitié pour leurs femmes et pour leurs enfants ; car la révolution qu’ils avaient faite leur était funeste !

Déjà, dans la soirée du 13 août, une réunion nombreuse de garçons bouchers avait parcouru la ville, silencieusement et à la lueur des flambeaux.

Bientôt une extrême agitation se manifesta parmi le peuple. Des malheureux, couverts de vêtements souillés, et tels que Paris les avait vus naguère courant à la mort, se rassemblaient tumultueusement sur les places publiques. Des attroupements se formaient à la porte des ministères, sur la place de Grève, sur celle du Palais-Royal, partout où siégeaient la puissance et le plaisir. Là les douleurs du pauvre s’exhalaient tour à tour en récriminations fougueuses et en plaintes touchantes. Les uns gémissaient de la brusque suspension des travaux, les autres de la diminution des salaires. Quelques-uns dénonçaient avec indignation la préférence qu’obtenaient sur eux, dans certains ateliers, des ouvriers appartenant à une autre patrie. Tous maudissaient l’influence meurtrière des machines. Avons-nous donc combattu pour si peu, s’écriaient-ils ?