Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/45

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visoirement un projet de loi qui substituait, au gré du débitant, l’abonnement à l’exercice.

Or, pendant que le peuple souffrait et s’agitait, la bourgeoisie continuait à s’enivrer de son propre triomphe. Les théâtres retentissaient de chants patriotiques. Une commission avait été nommée pour la distribution des récompenses nationales était-ce assez pour tant de périls, de maux affrontés ? Des députations, accourues de tous les points de la France, venaient apporter aux pieds du monarque ces hommages, les mêmes pour chaque prince. Louis-Philippe recevait les félicitations avec une bonhomie qui fournissait à ses partisans l’occasion cherchée par leur zèle. Les poètes célébraient à l’envi les vertus du roi, en les associant à l’héroïsme du peuple. Un banquet de 400 couverts fut donné par la ville au général Lafayette. Les familles qui manquaient de pain voyaient tout cela : elles en murmuraient, peut-être ; mais les murmures du pauvre, dans une société imparfaite, s’éteignent sans échos lorsqu’une triste fatalité ne les transforme pas en cris de guerre.

Au reste, rien n’était négligé pour ôter aux plaintes du peuple le caractère de sincérité que leur donnaient les événements. Dans un petit écrit adressé aux ouvriers, M. Charles Dupin engageait les artisans, qu’il appelait ses amis, à se mettre en garde contre des instigations perfides. Les feuilles libérales allaient plus loin encore : elles représentaient comme des espions ou des forçats libérés tous ceux qui, dans les ateliers, se prononçaient violemment contre l’emploi des machines. Pour