Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/451

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soutenir les puissantes attaques du défenseur de la Tribune, M. Michel (de Bourges), orateur irrésistible et sauvage, dont une seconde révolution de 92 aurait fait un autre Danton. M. Armand Marrast prit aussi la parole dans cette lutte célèbre, et y défendit avec une éloquence entraînante les droits de la presse. « Quoi ! s’écria-t-il, en parlant de ces dépositaires du pouvoir qui en voudraient goûter les douceurs sans en supporter la responsabilité, quoi ! ils auront à leur disposition l’armée, l’argent, toutes les forces nationales ; d’un signe ils feront mouvoir tous les fonctionnaires, ils agiront sur les destinées du pays par des moyens si puissants, au moindre mouvement de leur pensée ils auront, pour écraser ceux qui les combattent, et les parquets, et les huissiers, et les gendarmes, et cet immense fléau de la police ! Et quand ils se présentent à nous avec tout ce cortège, nous n’aurions pas, nous, simples écrivains, le droit de les questionner, de nous défier d’un pouvoir si menaçant, de croire à des abus si faciles ? Nous ne pourrions pas répéter ces rumeurs de l’opinion, qui a un instinct si droit et si sûr ? … Notre devoir est plus élevé. La liberté vit de défiances. Prenez le pouvoir, si vous voulez ; mais sachez que, dès ce moment, vous tombez sous l’empire de la publicité, vous, votre présent, votre passé, tous vos actes connus, tous vos actes même projetés… Et honte à l’écrivain timide qui déserte ses devoirs parce que quelque danger s’y attache ! »

Dans sa vive et chaleureuse improvisation, M. Ar-