Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/453

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d’amende et à sis mois d’emprisonnement. Mais l’opinion publique, sans accuser les juges de partialité, parut peu disposée à confirmer le jugement, et les mots fusils-Gisquet demeurèrent dans l’inexorable grammaire de la polémique comme une expression flétrissante.

Dans ce procès, des questions importantes venaient d’être posées, et résolues en sens divers. Il en était une, cependant, sur laquelle nulle opposition ne s’était manifestée. La loi qui, dans les attaques dirigées contre un citoyen non fonctionnaire, interdit la preuve judiciaire des faits allégués, cette loi avait été citée et n’avait pas été combattue. L’esprit du siècle était là tout entier. Sans doute, ce seraient des mœurs odieuses que celles qui, offrant une prime au scandale, jetteraient la vie privée des citoyens en pâture aux délateurs, comme cela se pratiquait à Rome. Il faut donc que des peines soient portées contre la calomnie, et que ces peines soient terribles. Mais défendre aux citoyens la dénonciation des actes dont ils ont la preuve, et ne pas leur permettre, quand ils ont démasqué le vice, d’appeler à leur aide la vérité, c’est insulter à la raison ; c’est accorder au relâchement des mœurs, à l’abaissement des caractères, le bénéfice d’un patronage public et anticipé ; c’est encourager légalement la mauvaise foi, l’esprit d’intrigue, les fraudes habiles, et enlever à la sécurité de la société tout entière ce qu’on donne à celle de l’individu. D’ailleurs, l’homme et le fonctionnaire ne sauraient former deux êtres distincts. Le juge qui joue à la Bourse se fera tôt ou tard acheter ses jugements. Le député qui a de