Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/463

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attirer les Russes sur la rive gauche, dans l’espoir d’écraser sous les murs de Varsovie le feld-maréchal, coupé alors de toutes ses communications avec la Russie et perdu dans les désastres d’une retraite impossible ? Mais saisir la victoire qui s’offrait valait toujours mieux que l’attendre ; la vouloir complète, c’était la rendre incertaine. Ainsi pensaient les généraux, les soldats ; et il s’élevait de ce camp forcé au repos une clameur immense et sinistre. Car Paskéwitch pendant ce temps passait le fleuve sur des ponts dont la Prusse avait préparé à Thorn tous les matériaux, et son armée s’avançait, compacte, pour engloutir Varsovie.

Le déchaînement bientôt devint universel. Skrzynecki n’avait pas compris qu’il y avait une révolution dans cette guerre ; qu’il fallait au plus vite pousser la Pologne sur l’ennemi, ne fut-ce que pour la sauver d’elle-même, que le général ici devait être un homme d’état, et que tout retard portait l’anarchie. Un homme et le système de l’audace, voilà ce qui a manqué évidemment à cette malheureuse Pologne. Il eût suffi, pour sa délivrance, que la France lui envoyât un chef qui, étranger à toutes les préventions, à toutes les jalousies locales, eût su faire prévaloir à Varsovie l’autorité du nom français, réduire à l’impuissance les aristocrates négociateurs, et assurer la prépondérance au parti démocratique, seul capable de porter aux Russes les grands coups et de demander le triomphe au désespoir Mais non : quatre généraux français, MM. Excelmans, Hulot, Lallemand, Grouchy, se présentaient : ils dûrent renoncer à leur projet, la Prusse ne laissant point pas-