Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/466

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L’accueil qu’il reçut ne se peut décrire. On entourait son cheval ; on lui baisait les pieds et les mains ; on déchirait son uniforme dont la foule, les yeux en pleurs, se partageait les lambeaux. Paskéwitch avançait toujours. Sur les injonctions formelles de la Diète, Skrzynecki avait promis de combattre et ne tenait point sa promesse : Dembinski lui fut donné provisoirement pour successeur, par une commission envoyée au camp. Mais, ami de Skrzynecki et, comme lui, entouré par le parti des diplomates, il déclara qu’il marcherait sur les traces de son prédécesseur. Il n’en fallut pas davantage pour le perdre dans les esprits ardents. Tant d’agitations aboutirent à la nuit du 15 août. La journée que suivit cette nuit sanglante avait été consacrée tout entière à la mémoire de Napoléon, dont on célébrait la fête. Le buste de l’empereur y fut promené en triomphe par des enfants du peuple. Des hommes qu’on n’avait jamais vus y parurent revêtus d’uniformes impériaux. Un éclair de joie avait brillé dans Varsovie. Mais soudain la nouvelle se répand que les Russes sont aux portes de la ville on assure même que Dembinski s’avance pour la réduire ; le canon retentit du côté du faubourg de Jérusalem. Le soir, le club de la Redoute s’assemblait en tumulte, et la nuit n’était pas plus tôt descendue sur la ville, que des groupes sinistres, harangués à la lueur des réverbères, couraient à la prison d’état et y massacraient les généraux accusés de trahison. On égorgea aussi d’autres prisonniers enfermés à Wola, mais dont la plupart étaient des malheureux oubliés par la jus-