Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/76

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Méry-Lafbntaine, se suspendit à l’espagnolette fatale, dans une potion semblable à celle où avait été trouvé le prince et cette tentative fut sans danger. On essaya, au moyen d’un ruban fort mince, de ramener du dehors un verrou dans sa gâche ; et l’expérience eût un plein succès. Il n’en fallut pas davantage. Les soupçons, timides jusque-là, se formulèrent avec une audace violente. Des noms furent prononcés… Le testament avait été lu : les haines qui déjà se dressaient contre madame de Feuchères s’accrurent par l’assurance acquise qu’elle n’avait laissé place que pour elle dans les souvenirs reconnaissant du testateur. Des propos accusateurs circulèrent. On raconta que dans la chapelle ardente où était exposée la victime, Lecomte s’était écrié, vaincu par son émotion : « J’ai un poids sur le cœur. » M. Bonnie, contrairement aux assertions formelles de ce même Lecomte, affirmait que, dans la matinée du 27 le verrou de l’escalier dérobé n’était point fermé, et que, pour cacher cette circonstance terrible, Mme de Feuchéres s’était rendue à la chambre mortuaire par la route la plus longue, celle du grand escalier !

Le 4 septembre, le cœur du duc de Bourbon fut porté à Chantilly. L’abbé Pélier, aumônier du prince, assistait au service funèbre. Il parut portant le cœur de la victime dans une boîte de vermeil, et prêt à prononcer les paroles de suprême adieu. Un silence morne régnait dans l’assemblée. Chacun était dans l’attente. L’impression fut profonde, immense, lorsque d’une voix solennelle l’orateur sacré laissa tomber ces mots : « Le prince est innocent de sa mort devant Dieu. »