Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/118

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Dieu donne à la société de ce qu’elle doit à l’individu. Les facultés sont l’indication que Dieu donne à l’individu de ce qu’il doit à la société. Donc, il est dû davantage à celui qui a le plus de besoins[1], et il est permis d’exiger davantage de celui qui a le plus de facultés. Donc, d’après la loi divine écrite dans l’organisation de chaque homme, une intelligence plus grande suppose une action plus utile, mais non pas une rétribution plus considérable ; et l’inégalité des aptitudes ne saurait légitimement aboutir qu’à l’inégalité des devoirs[2]. La hiérarchie par capacités est nécessaire et féconde ; la rétribution par capacités est plus que funeste, elle est impie.

Ainsi, le mode de répartition proposé par les saint-simoniens était en contradiction formelle avec le noble but par eux-mêmes indiqué : l’association universelle fondée sur l’amour. Ce n’est pas tout. Lorsqu’on leur demandait qui serait juge des capacités et de quelle manière ils entendaient la constitution du pouvoir, ils répondaient sans hésiter :

  1. L’homme a des besoins physiques, dont la nature elle-même assigne la limite. Il a des besoins moraux qui, dans une association régulière et progressive, trouveraient à se satisfaire et à se développer collectivement. Quant aux besoins purement factices, que crée une civilisation vicieuse et corrompue, et d’où peuvent naître des exigences extravagantes, ils ne constitueraient, dans une association régulière, que des maladies individuelles que la société se devrait, non pas d’alimenter, mais de guérir.
  2. Comment faire passer ce principe dans l’application ? Une semblable exposition ne saurait entrer dans le cadre de cet ouvrage. Nous avons dû nous borner à montrer le côté vulnérable des innovations saint-simoniennes. Encore la nature de notre livre ne comportait-elle pas une critique détaillée du saint-simonisme, dont nous n’avons dit que ce qui pouvait le mieux en faire apprécier la signification sociale et la véritable portée.