Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/160

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l’affectait aux menus-plaisirs d’un roi qui n’était pas sans se piquer de philosophie. On s’expliquait malaisément l’importance des trois cents chevaux à mille écus par tête, qui figuraient dans le compte ; pourquoi traiter chacun de ces chevaux comme un conseiller de cour royale et deux fois mieux qu’un membre de l’Institut ? 200,000 fr. de livrée ! on trouvait que c’était beaucoup pour des galons ; car enfin, il était possible avec cette somme de rétribuer pour leurs fonctions annuelles cent procureurs du roi, ou d’augmenter d’un cinquième la subvention accordée à l’instruction primaire, ou de défrayer, à huit sous par jour, treize cent quatre-vingts pauvres prisonniers. Quoi ! s’écriait le Globe saint-simonien dans un article à la fois spirituel et sensé, « quoi ! on affecte au service personnel du roi 3 millions 773,500 fr. ; et ce roi, chef d’une nation devenue industrielle, d’une bourgeoisie pacifique, n’est entouré que d’hommes ceignant l’épée et chaussant l’éperon ! »

Mais ce fut M. de Cormenin qui porta au projet de loi les coups les plus sensibles. Dans une série de lettres pleines de logique, de raison, d’éloquence, de fine ironie, il rappela que quand le héros d’Italie, le conquérant fabuleux de l’Egypte, le pacificateur de la Vendée, vint siéger sur le trône consulaire, les trois consuls ne coûtaient à la France, frais de table et de maison réunis, qu’un million cinquante mille francs, et qu’on ne demandait pas alors au peuple français, terreur de Pitt et admiration du monde, 1 million 200,000 fr. seulement pour échauffer les fourneaux souterrains de la