Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/209

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dont lui-même était victime ; il représenta les malheurs, plus grands encore, qu’engendrerait une obstination téméraire et que pouvait seul conjurer le renvoi du 35e de ligne. La multitude répondit par des acclamations bruyantes. La compagnie franche stationnait à quelques pas de là : son chef arrive, il aperçoit Huchet blessé, il court à lui et l’embrasse aux applaudissements de tous. On insistait pour le renvoi du 35e : un jeune homme s’avance vers M. Saint-Clair, et le déclare prisonnier. Le général est aussitôt conduit à son hôtel ; la compagnie franche s’y présente, et des factionnaires sont placés a toutes les portes.

La situation était critique. Provoquée par une violation sanglante de la loi, et ne paraissant elle-même qu’un tumulteux triomphe de la légalité, l’insurrection allait devenir maîtresse de la ville. M. Jules Bastide ayant marché droit à la citadelle, accompagné seulement d’un artilleur : « qui êtes-vous, lui demanda le factionnaire ? C’est le commandant de la place, répondit l’artilleur. » On présenta les armes à M. Jules Bastide, il entra, prit possession de la citadelle, et fit sortir une batterie sur la place. Les habitants des campagnes voisines commençaient à se porter sur Grenoble, dont ils épousaient la querelle. Des citoyens en armes cherchaient le préfet qui, gagné par la frayeur, se tenait caché dans son appartement et s’était, disait-on, réfugié dans une armoire. Le tocsin pouvait sonner, et déjà des hommes hardis parlaient de constituer un gouvernement provisoire, projet d’une exécution facile et sûre ; car, en de telles circonstances, qui