Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/224

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pas, comme pour ramasser et frapper les victimes oubliées. Au mois de février 1832, il avait passé par dessus l’Europe occidentale et il occupait Londres.

Dès ce moment, Paris vécut dans une attente muette et formidable. Nous mesurions d’avance avec angoisse le dernier pas, le pas inévitable, que l’épidémie allait faire vers nous. Cependant, il y avait quelque chose de rassurant en apparence dans les circonstances atmosphériques. Le ciel était clair ; un vent sec soufflait du nord-est avec persévérance ; le baromètre n’était pas descendu au-dessous de 28°, et rien n’annonçait une surcharge électrique. Mais l’attente ne fut pas longue. Le 26 mars 1832, la fatale maladie avait atteint dans la rue Mazarine sa première victime. Presqu’aussitôt, elle se déclara dans plusieurs quartiers au faubourg Saint-Antoine, au faubourg Saint-Honoré, au faubourg Saint-Jacques. Le 29 mars, les passants ne s’abordaient plus qu’avec ces mots : le choléra morbus est à Paris.

Dans les premiers moments, la terreur parut moindre que le danger. La peste venait surprendre les Parisiens au milieu de la fête de la mi-carême ; et l’intrépide gaieté du caractère français sembla d’abord braver le fléau. Dans les rues, sur les boulevards, les masques circulèrent comme de coutume. La foule des promeneurs était nombreuse. On se montrait du doigt, suspendues devant les magasins d’estampes, des caricatures dont le choléra-morbus avait fourni le sujet. Le soir, les théâtres se remplirent de spectateurs. Il y eût des