Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/225

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jeunes gens qui, par un raffinement d’audace, se livrèrent à des excès inaccoutumés. « Puisque nous devons mourir demain, disaient-ils, épuisons aujourd’hui les joies de la vie. » La plupart de ceux-là passèrent du bal masqué à l’Hôtel-Dieu, et succombèrent, le lendemain, avant le coucher du soleil.

Du reste, le courage des plus téméraires ne tarda pas à céder aux horreurs de la maladie et à tout ce qu’on en racontait. Car le malade était cadavre, avant même d’avoir perdu la vie. Sa face maigrissait avec une promptitude extraordinaire. On comptait ses muscles sous sa peau, devenue subitement noire, bleuâtre. Ses yeux étaient excavés, secs, réduits de moitié, et comme retirés à l’aide d’un fil vers la nuque et dans l’intérieur du crâne. La respiration du malade était froide, sa bouche blanche et humide, son pouls d’une faiblesse extrême. Sa parole était un souffle.

Des étourdissements, des bourdonnements d’oreille, des vomissements répétés, un sentiment étrange de prostration et en quelque sorte de vacuité générale, le froid gagnant tout le corps par les extrémités, des dérangements d’estomac excessifs, des crampes violentes dans les membres, une respiration pénible, une angoisse inexprimable dans la région précordiate, la peau couverte d’une moiteur glacée, tels étaient les principaux symptômes du mal. Abandonné à lui-même, il lui fallait trois jours à peine pour anéantir les malheureux dont il avait pris possession ; souvent, deux ou trois heures lui suffisaient.