Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/229

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il avait été décidé qu’au lieu de confier la direction du service à un seul homme, on le distribuerait par portions égales entre tous les médecins et tous les chirurgiens de l’établissement. De là un immense désordre et des spectacles pleins de terreur. Les services se croisaient en tous sens dans la même salle ; les médecins n’étant d’accord ni sur la nature, ni sur les causes de la maladie, les mêmes infirmiers avaient à faire exécuter pour des cas identiques des ordres tout-à-fait contraires ; le malade qu’on traitait avec du punch, voyait administrer de la glace au malade gisant sur le grabat voisin ; et ne se considérant plus que comme une matière à expériences, il mourait la rage dans le cœur. Il mourait, d’ailleurs loin des soins et des consolations de l’amitié ; car, pour éviter l’encombrement, on avait interdit au public l’entrée des hôpitaux ; et des soldats, veillant aux portes, repoussaient la foule plaintive des amis et des mères.

Cependant, peu de jours s’étaient écoulés, et déjà le mal était monté jusqu’aux riches. L’épouvante alors devint universelle et dépassa même le péril, chacun fut ou se crut malade. La plus légère indisposition prenait, dans les imaginations effrayées, les proportions du choléra. Les médecins à grande clientelle n’eurent plus un instant de repos on assiégeait leurs maisons à toute heure et il arriva que plusieurs ayant tardé à ouvrir aux visiteurs nocturnes, leur porte fut enfoncée. De sorte que le malheur des cholériques fournis par la pauvreté s’aggrava de tous les secours et de tout le temps que dérobaient à leurs souffrances réelles des symptômes