Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’entassaient dans les hôpitaux, pendant que l’étroite et malsaine demeure du pauvre se remplissait de malades, pendant qu’une portion du peuple en était réduite à n’avoir d’autre asile que le pavé des rues infectes, on laissait vides des maisons spacieuses et salubres ! Quoi ! il y avait dans Paris des milliers de prolétaires sans abri, et des milliers d’hôtels sans habitants !

Une mesure, fatale dans la circonstance, fit sortir un soulèvement de ces imprécations. Un nouveau système avait été adopté pour l’enlèvement des boues, et l’entrepreneur avait reçu l’autorisation d’enlever les immondices dans la soirée, c’est-à-dire avant que les chiffonniers eussent eu le temps d’y ramasser ces objets où l’indigence sait trouver encore quelques vestiges d’utilité. C’était porter atteinte aux moyens d’existence de plus de dix-huit cents personnes, non compris les boueurs, privés de leur bénéfice par une mesure qui laissait les anciens tombereaux sans emploi. Des attroupements nombreux couvrent les rues et les places. On s’empare des tombereaux de forme nouvelle, on les lance à la rivière ou on les brûle. Les agents de la force publique accourent : des luttes s’engagent. Mais voilà que tout-à-coup un bruit sinistre se répand parmi ce peuple en émoi. On raconte qu’un complot infernal a été formé ; que le choléra n’est point à Paris ; que des scélérats s’en vont partout jetant du poison dans les aliments, dans le vin, dans l’eau des fontaines. Le peuple ouvre l’oreille à ces discours, charmé, dans l’excès de ses maux, de trouver devant lui, au lieu d’un fléau